Conseils aux étudiant-e-s de linguistique

Quelques précisions

Mon parcours universitaire a été relativement linéaire et j’ai eu la chance, grâce à ma famille, de faire mes études dans des conditions matérielles plutôt bonnes. Les conseils que je donne ici tentent d’envisager les situations possibles d’un point de vue plus large que ce qui a été effectivement le mien, mais il est évident que je ne peux pas penser à tout et que je ne sais pas tout. Je compte enrichir un peu cette page, mais il y a certains conseils que je ne pourrai jamais vraiment développer faute de les avoir appliqués moi-même quand je faisais mes études.

Néanmoins, sans avoir la prétention de donner un vademecum ultime, je pense que ces quelques conseils peuvent être utile.

Une bonne partie des conseils de cette page ne sont pas spécifiques à la linguistique, néanmoins il se peut que j'en rajoute qui soient plus spécifiques dans le futur.

Ces conseils ont été rédigés à l'origine comme réponse à un sondage réalisé par des étudiant.e.s de Paris VII auprès d'ancien.ne.s de formations de linguistique.

Merci à Yanis et à Marie pour leur relecture de cette page.

Le plus important

Mon principal conseil aux nouveaux.elles étudiant.e.s serait de ne pas hésiter à se laisser du temps pour découvrir ce qu’ils/elles aiment, mais en mettant vraiment à profit ce temps pour réfléchir en profondeur à ce qu’ils attendent de leurs études et de leur vie, et à quelles sont leurs priorités, et de revenir périodiquement à cette question parce qu’on ne la résout pas en une fois !

Dit autrement, si vous ne savez pas ce que vous voulez faire de votre vie en fin de lycée, c’est normal, si vous ne savez pas ce que vous voulez faire de votre vie en fin de licence, c’est normal, et même en fin de master, ou peut-être même en fin de thèse, c’est normal.

Ce qui est important, c’est de réussir à ne pas être paralysé, de trouver des options pour avancer. Petit à petit, vous réussirez à dégager une idée plus claire de ce qui vous plaît et vous déplaît d’une part, et (ce qui est plus compliqué), de comment vous retrouver dans des situations où vous réussirez à satisfaire ces préférences.

Inversement, ce n’est évidemment pas mal d’avoir un objectif clair et de se donner les moyens de l’atteindre. Ce n’est pas forcément plus simple ! Et il faut bien garder à l’esprit qu’on n’obtient malheureusement pas toujours ce que l’on veut, et donc qu’il faut avoir des portes de sorties si le plan initial échoue.

Il est très important d’aimer ce qu’on fait, à défaut de réussir à faire toujours ce qu’on aime. Vous avez le droit le plus absolu de vouloir changer de voie, d’essayer différentes choses. Ne désespérez pas. On ne change pas de filière en un claquement de doigt, mais vous n’êtes presque jamais condamné à subir éternellement les conséquences d’une erreur d’orientation, elles peuvent très souvent être rectifiées.

Se renseigner

Il ne faut pas hésiter à prendre contact avec des enseignant.e.s-chercheurs.euses pour tout ce qui concerne leur discipline, et de même, c’est une bonne idée de prendre contact avec les responsables d’une formation qui vous intéresse.

Le plus tôt est le mieux : même si vous êtes en première, vous pouvez commencer à vous renseigner sur des licences et même si vous êtes en L2, vous pouvez commencer à vous renseigner sur des masters.

Attention, ça n’a rien d’une obligation non plus !

La meilleure source d’information sur le contenu d’une formation, ce sont les étudiant.e.s qui y sont ou qui viennent tout juste d’en sortir : leurs infos sont encore fraîches (contrairement aux brochures fournies par les facs, qui sont souvent partiellement obsolètes) et ils n’ont pas de raison de “vendre” la formation. De plus, ils peuvent penser à des aborder des choses auxquelles les enseignant.e.s ne penseraient pas forcément, et ils peuvent aussi donner leur appréciation sur des éléments que les enseignant.e.s sont mal placé.e.s pour juger : ambiance de l’établissement, attitude des profs, etc etc.

Essayez de recueillir plusieurs avis si vous le pouvez.

Les ancien.ne.s d’une formation (les “alumni”) ont généralement un peu plus de recul sur leur formation et ses débouchés, mais leurs informations peuvent ne plus vraiment être à jour car une même formation peut beaucoup changer en quelques années (notamment s’il y a des changements dans l’équipe pédagogique).

Éviter de paniquer pour les problèmes administratifs

Si vous avez un problème administratif, par exemple que vous avez manqué une date-limite pour vos inscriptions pédagogiques, ou que votre emploi du temps a deux cours qui se chevauchent ou qui sont à des horaires qui ne vous arrangent pas, ou toute autre chose, gardez votre sang-froid. Même les problèmes administratifs les plus pénibles ont souvent une solution plus simple qu’il n’y paraît.

À la fac, les choses peuvent souvent être plus souples qu’elles n’en ont l’air pourvu qu’on prenne le temps d’aller voir les secrétaires pédagogiques (voire les services centraux).

Se déplacer est souvent beaucoup plus efficace que d’envoyer des emails que ce soit pour régler des problèmes d’inscription administrative ou changer de groupe de TD.

Savoir négocier

Il faut savoir négocier ses études : Si un cours d’une autre formation, même d’une autre UFR, voire d’une autre fac, vous intéresse, vous pouvez essayer de vous arranger pour le suivre, et ce même si ce n’est pas prévu en théorie par la maquette de votre formation (c’est à dire l’ensemble des cours avec le nombre de crédits ECTS associés) .

Prenez contact avec l’enseignant.e de ce cours et discutez-en aussi avec vos responsables pédagogiques.

Se débarrasser d’un cours qui ne vous intéresse pas est plus compliqué, mais c’est parfois possible à certaines conditions. (Vous pouvez essayer de suivre un cours qui vous intéresse plus à la place !)

Là encore, renseignez-vous (sur la validation des acquis par exemple), et parlez-en avec vos responsables pédagogiques. Ne vous laissez pas pourrir un semestre bêtement si vous pouvez l’éviter. Votre temps est trop précieux !

Lire des articles scientifiques

Si on est intéressé par la recherche, il est utile de se familiariser rapidement avec ses normes, mais on les intègre mieux et on comprend mieux leur intérêt en lisant des articles scientifiques (c’est à dire publiés par des chercheurs dans des revues à comité de lecture et soumis à la revue par les pairs) qu’en les apprenant par coeur en cours de méthodologie (je pense aux normes de citation bibliographique par exemple).

Même si on ne compte pas faire soi-même de recherche, lire des articles scientifiques est très utile pour approfondir des notions vues en cours mais aussi pour les dépasser et se faire une meilleure idée des problématiques des champs qu’on étudie.

Il ne faut pas se laisser intimider par la littérature scientifique : on comprend rarement tout un article ou, a fortiori, tout un livre théorique d’un coup, mais même une lecture en diagonale et une compréhension superficielle peuvent être utiles, et c’est à force de lire qu’on finit par comprendre.

Connaître les bons outils informatiques

Il peut être utile aussi d’apprendre à utiliser les outils comme LaTeX (logiciel de typographie), Zotero (logiciel de gestion de bibliographie), et, pour les parcours impliquant de la programmation, Git (logiciel de gestion de version).

Il peut être utile également de prendre le temps de mieux connaître les outils qu’on connaît déjà (Savoir faire un sommaire automatiquement sous Word ou LibreOffice, maîtriser certains outils de base d’Excel ou Calc, comme les autofiltres).

Se tenir au courant

De même, pour être au courant des événements liés à sa spécialité, il est bon de lire régulièrement les listes de diffusion par mail telles que par exemple ParisLinguist (qui n’est pas réservée aux linguistes de région parisienne malgré son nom) ou LN (si on fait du traitement automatique des langues). Le site linguistlist contient plein de ressources à ce sujet (méfiez vous cependant, si vous vous abonnez à une liste de diffusion, votre boîte mail risque d’être submergée : apprenez à vous servir de filtres automatiques et à utiliser des logiciels clients comme Thunderbird pour éviter que ça n’arrive).

Il peut aussi être intéressant de suivre des linguistes sur les réseaux sociaux (Twitter, Reddit, Tumblr, etc).

L’assiduité

Paradoxalement, plus vous êtes discipliné.e.s et moins il est important d’être assidu.e.

Si vous avez déjà un excellent sens de l’organisation, vous pouvez probablement vous permettre de ne pas assister à certains cours.

En revanche, si vous êtes plus anarchique, sécher les cours présente le risque de vous déconnecter complètement du rythme universitaire et vous avez de bonnes chances de vous retrouver à devoir rattraper beaucoup trop de choses au moment des partiels.

Ce n’est pas une question de morale : ce n’est pas une faute de ne pas aimer une matière et si vous considérez qu’un cours ne vous apporte rien, vous avez très probablement raison.

Ce qui ne veut pas nécessairement dire que le cours est mauvais (même si ça peut être le cas).

Et ce n’est pas une question de politesse, on n’assiste pas aux cours pour faire plaisir à ses enseignant.e.s, on fait des études pour soi.

Il s’agit simplement de se connaître soi-même et de rester dans de bonnes conditions pour valider son semestre, quitte à endurer des cours ennuyeux. On ne peut malheureusement pas toujours y couper.

Faire attention à soi

Si vous êtes dans une situation difficile (Par exemple que vous avez beaucoup de temps de transports, que vous avez un problème de santé physique et/ou psychologique et/ou familial et/ou que vous êtes obligé.e d’avoir un emploi salarié en plus de vos études), faites d’autant plus attention à vous ménager.

Parlez-en à vos responsables pédagogiques, contactez les services de la fac susceptibles de vous aider (mission handicap par exemple), mais pensez aussi à vous tourner vers un syndicat étudiant.

Ne vous laissez pas marcher sur les pieds, et ne désespérez pas trop vite : il reste sûrement des options que vous n’avez pas encore explorées.

Quand arrêter ?

Ce n’est pas une mauvaise idée de prolonger ses études autant qu’on peut se le permettre, si on en a envie. Il y a toujours des choses nouvelles à apprendre, et il est plus difficile de reprendre des habitudes scolaires quand on essaie de reprendre des études après les avoir interrompues.

Inversement, c’est une mauvaise idée d’arrêter rapidement ses études si on ne sait pas du tout ce qu’on va faire ensuite. Idéalement, il faut commencer à planifier la fin de ses études plusieurs mois à l’avance. Si vous hésitez à faire un master en Janvier de votre L3 vous pouvez réfléchir à des alternatives. Si vous hésitez encore à la fin Mars, faites un master !

Cependant, ne vous ruinez pas la vie pour vos études.

Faire des études supérieures n’est pas une course ni une fin en soi, c’est un moyen pour atteindre d’autres buts : la connaissance d’un sujet, des compétences utiles pour se forger une carrière professionnelle, se confronter à des idées nouvelles.

Si vous êtes dans une trop mauvaise situation, que vous avez des problèmes personnels graves, arrêter et prendre du champ est toujours une possibilité, quitte à reprendre les études plus tard. Là non plus, ce n’est pas une faute morale.

Conclusion

Les conseils sur cette page peuvent se résumer en gros en deux choses :

D'une part, pour réussir ses études, il faut être raisonnablement proactif (ce que je n'ai pas toujours réussi à être), savoir aller chercher les informations sur les formations, les matières, les articles, les stages, etc.

D'autre part, il faut être attentif à soi-même, à la fois pour connaître ses qualités et ses défauts et agir en fonction, et pour prendre soin de soi, se ménager, et se protéger contre d'éventuels coups durs.

Les étudiant.e.s n'ont en général pas la responsabilité d'autres gens qu'eux-mêmes, mais c'est déjà une responsabilité qui peut être parfois bien lourde, sur le plan moral aussi bien que sur le plan matériel.